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Histoire abregee de la Cite de Minuit

Extraits du roman Night Travelers

Les origines & le Dit des Horlogers

Il est dit qu’autrefois, la ville au-delà de la Nuit possédait des aiguilles et que ces dernières tournaient, comme l’horloge qu’elle fut depuis toujours. Il est dit aussi qu’un jour, par la volonté du démiurge, le Vrai Temps s’arrêta. Les Nocturnes devinrent éternels, sans naissance ni mort et sans vieillesse, une jeunesse qui apparut tout de suite comme une malédiction : ils ne pouvaient plus échapper à leurs cauchemars. Car en même temps que la fin du Vrai Temps vint la nuit perpétuelle. Et son cortège d’ombres menaçantes.

Les Nocturnes étaient en danger. Ils devaient se battre contre leurs cauchemars qui, quoi qu’il advienne, remportaient toujours la bataille. Lorsque Anavol fut élu premier Régent, les Nocturnes étaient nombreux à s’être arrêtés dans les rues de la Cité, étranges sculptures vivantes dont l’esprit demeurait enfermé à jamais dans un corps en panne. L’océan noir se déchaîna contre eux et les accabla plus encore de ses légendaires tempêtes.
Ils pensaient qu’ils allaient disparaître pour toujours. C’est ainsi qu’Anavol décida de reprendre les choses en main : ils devaient œuvrer afin de remettre le Vrai Temps en marche. Mais la volonté du démiurge était plus forte. Et leur mission se solda par un échec.
L’idée lui vint ensuite, en écoutant les horlogers au sujet de nouvelles et nombreuses unités de mesure du Temps, ces secondes, minutes et heures qu’ils allaient devoir apprivoiser. Si le Vrai Temps ne pouvait reprendre son cours, ils allaient en inventer un nouveau.

Ainsi, il fut décidé de faire tourner le cadran de la Cité à la place de ses aiguilles, de modifier la machine dans le sous-sol, et de mettre au point un mécanisme de commande qui leur serait accessible. L’ami d’Anavol, le Maître Cérulea, construisit l’horloge céleste du mausolée, une réplique miniature du mouvement de la grande Horloge leur permettant de la remonter ; de nombreux magiciens étudièrent les courants qui traversaient la ville de part en part avant de décréter qu’ils pouvaient les dévier à leur avantage. Ils changèrent le tracé des rues et gardèrent les quatre portes ouvertes.

La Cité endossa le nom de Cité de Minuit. Et les Nocturnes purent retrouver le cours normal de leur vie, toujours éternels mais échappant peu à peu aux cauchemars.

Ce qui, en vérité, ne dura qu’un temps.

La Vague

La trêve ne dura pas. Car un jour, une monstrueuse vague de cauchemars s’apprêtait à s’abattre sur la Cité, une tempête serpentaire d’une force terrible qui aurait pu réduire à néant les rues de la ville et arrêter les Nocturnes pour toujours.

Certains d’entre eux, alors, se glissèrent aux portes de la Cité, s’avancèrent vers l’Atlas, et affrontèrent la Vague. Ils réussirent à la repousser. Ils s’opposèrent à elle. Ils n’avaient pas peur, en réalité, des ombres qui venaient les assaillir, si bien qu’ils purent en réchapper. Les eaux se retirèrent, vaincues. Et tout autour de la Cité s’étendait désormais un désert, du sable noir à perte de vue, le rêve vitrifié formant ainsi une barrière naturelle face à l’océan.

Les Nocturnes impliqués, quant à eux, se retrouvèrent intoxiqués par le rêve. Ils s’égarèrent dans les dunes sous la forme de tornades, en proie au délire, inconscients et absents. Certains d’entre eux réapparurent, d’autres pas. Ils devinrent des Oneiroi : mi-Nocturnes mi-rêves, des créatures métamorphes qui ne pouvaient subsister que grâce au sable, qui devaient demeurer à son contact sous peine de perdre le contrôle. On les reconnaissait à leurs yeux habités par le brouillard. Ils comprenaient le rêve, parlaient au sable et à l’Atlas, communiquaient par le vent. Ils recevaient des visions d’avenir. Des oracles, qui se vérifiaient toujours. Avec le temps, on les respecta autant qu’on les craignit. Mais jamais les Oneiroi n’abandonnèrent la Cité, jamais ils ne firent défaut aux Nocturnes.

Ce furent eux qui annoncèrent la terrible nouvelle, un jour : le démiurge avait disparu.

L’alliance et l’ere de Lirina

Après avoir construit l’horloge céleste et changé le cours du Temps, Anavol s’arrêta, pris par son cauchemar ; il voyait sans fin la grande Horloge se figer. L’on nomma à sa place l’une de ses disciples, Lirina, une astronome de renom, et cette dernière devint la seconde Régente de la Cité.

Ce fut une période de découvertes : création de nouveaux calendriers, construction de machines permettant de raffiner le sable en oneirium, cartographie du désert… Ainsi naquirent la Compagnie Oniropostale, la Maison des étoiles, la Guilde des horlogers. Dans le même temps, l’on réalisa que les Nocturnes arrêtés et mis en Abyme se délitaient après des siècles de sommeil, et repartaient dans le désert. Cela consola un peu les Nocturnes restés vivants.

Ce fut également une période trouble, car les tempêtes serpentaires étaient nombreuses, et certaines parvenaient encore à traverser la barrière du désert et à balayer la Cité. Quelque chose provoquait la colère de l’Atlas. Personne n’en savait la raison.
L’on consacra beaucoup de temps et d’énergie à tenter de trouver comment empêcher ces tempêtes, et comment protéger la ville. L’on créa des machines, des outils. L’on organisa des expéditions, dans le désert et sur l’Atlas. La Danseuse fut affrétée, puis perdue. L’on chercha à tout prix à réparer, consolider, sauvegarder ce qui peut l’être. Une alliance fut formée entre notables et scientifiques, réunie autour de Lirina et d’Agénor.

Lirina voulait sauver les Nocturnes à n’importe quel prix. Un prix qu’elle-même paya très cher. Elle découvrit le plus grand secret de la Cité de Minuit et s’arrêta peu de temps après.

L’Oubli

Le démiurge s’était-il retrouvé dépassé par les événements ? Les Nocturnes avaient-ils été trop loin ? Quoi qu’il en soit, nombreux furent ceux qui ont pensé que le créateur lui-même avait arrêté Lirina. Pour l’empêcher de déterrer ses secrets ou pour la punir, peu importait, le résultat était le même : la Régente n’était plus.

Les jours qui suivirent s’avérèrent confus, et l’histoire peine à en raconter la teneur. Tout ce que nous savons, c’est que l’Oubli s’est précipité sur les Nocturnes, qu’il les a plongés dans une étrange torpeur qui les a transformés en marionnettes oublieuses. Ils n’étaient plus que des pantins, des acteurs sans âme dans un théâtre sans spectateur : ils répétaient les mêmes gestes, leurs pensées tournaient en boucle, leur appréhension du temps n’existait plus. Tout ce qui  leur importait, c’était de conserver intacte la Cité : faire en sorte que la grande Horloge ne s’arrête jamais.

Ils vécurent ainsi durant des millénaires. Certains se perdaient dans leurs cauchemars et s’arrêtaient, d’autres revivaient la même journée en une boucle absurde dont ils n’avaient pas conscience, les mêmes tourments, les mêmes deuils.

L’Anteminuit

Un jour, une funambule esseulée parvint à arrêter la grande Horloge, provoquant ainsi l’Antéminuit : la fermeture simultanée de toutes les portes de la Cité, l’inverse de Minuit. Ce faisant, la funambule réveilla tous les cauchemars endormis dans la Cité, ce qui pourrait avoir pour conséquence la destruction complète du rêve et de la ville.

  • L’histoire de l’Antéminuit est relatée dans le roman Midnight City