Grande Place
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Lieu : Plateformes de décollage et d’atterrissage de la Compagnie Oniropostale
Localisation : Grande Place
La Grande Place de la Cité de Minuit est une vaste esplanade circulaire située au centre exact de la ville, où se tient le Mausolée, le cœur de la Cité renfermant ses plus grands secrets, et entourée de maisons de maître aux murs sombres et au style victorien bordées de jardins parfaitement entretenus. Au-delà, le long d’un cercle concentrique, se trouvent les tours noires qui montent vers le ciel telle une forêt d’aiguilles acérées. L’on trouve de tout dans ces tours : des musées, des écoles, des bibliothèques… Elles sont faites d’une pierre sombre rugueuse que l’on a parfois laissée brute, parfois taillée de bas-reliefs montrant des scènes fantastiques où des dragons se battent avec des chevaliers – et non pas contre eux –, où des constellations se dessinent jusqu’au sommet, où des branches d’arbre géant s’enroulent comme du lierre.
C’est sans nul doute l’endroit le plus beau de la Cité. Douze lampadaires entourent la Place, l’éclairant de leur douce lueur bleutée, et veillent sur le beffroi du Mausolée, sur le cadran situé tout en haut, et sur la mystérieuse statue en forme d’oiseau noir élevée sur l’esplanade comme un hommage fait à une personnalité. Autour, les jardins aux arbres et aux haies sombres forment un cocon pour le promeneur, bercé par le délicat son de centaines de carillons de verre accrochés aux branches.
Et, partout entre les maisons, le parfum de la Cité, du caramel et des noisettes, du feu de bois et du sucre. Personne n’a jamais su d’où venait cette odeur si familière et si rassurante.
Vous arrivez donc sur la Grande Place et, passé le vertige habituel que vous ressentez quand vous venez ici, vous vous dirigez vers la tour abritant les plateformes de décollage des oniropostales. Vous les voyez, d’ailleurs, en levant la tête vers le ciel couvert d’étoiles : trois véhicules dirigeables au ballon en papier blanc se balancent doucement, les uns quittant le centre de la Cité, l’autre se préparant à atterrir. Sans plus attendre, vous entrez dans la tour et montez les innombrables marches de bois gris.
Une fois en haut, un infernal ballet de bruits, de mouvements et d’agitation vous emporte : vous découvrez que les plateformes de décollage et d’atterrissage de la Compagnie Oniropostale sont des ruches où une multitude d’employés vont et viennent comme si leur vie en dépendait. Là, des bureaux où des secrétaires passent des appels dans d’étranges machines reliées à la terre, au loin un tableau noir où sont inscrites des centaines de trajectoires différentes en blanc, sur le plan aux traits bleus de la Cité, et tout au fond, les plateformes en elles-mêmes, immenses balcons donnant sur le vide envahi par la vapeur des moteurs à l’oneirium que transportent les oniropostales.
Vous vous y dirigez avec fascination, manquant parfois de cogner contre un employé pressé ou de buter sur un chariot rempli de courrier. C’est à cela que sert la Compagnie Oniropostale : ses dirigeables transportent messages, rêves et outils à travers la Cité de Minuit. Une mécanique bien rodée, une incroyable machine qui ne tombe jamais en panne…
Une fois sur la plateforme de décollage n° 3, vous cherchez un pilote ou un technicien, et en trouvez un affairé à noter des calculs sur un tableau fixé au mur. Près de lui, le dirigeable que vous avez vu accoster vient d’être attaché à sa base à l’aide de lourdes chaînes noires ; son moteur s’éteint peu à peu, exhalant la vapeur d’oneirium sans discontinuer, tandis que son pilote s’éloigne avec un autre mécanicien avec lequel il devise en riant.
Cette ambiance à la fois concentrée et joyeuse vous intimide, mais la perspective de vivre dans une telle atmosphère vous donne des ailes, et vous vous dirigez vers le technicien plongé dans ses chiffres ; vous vous trouvez à peine à deux mètres de lui qu’il lève la tête vers vous rangeant son calepin dans la poche de sa chemise noire de suie.
« Eh bien, vous cherchez votre chemin ? vous interpelle-t-il en croisant les bras sur sa poitrine. Si vous voulez du travail, ce n’est pas ici qu’il faut venir, mais au siège. »
Malgré la rudesse de sa voix, vous le trouvez sympathique et vous vous enhardissez en lui expliquant ce dont vous avez besoin : un outil qui vous permettrait de vous diriger dans l’espace sans vous perdre.
« Un instrument pour se repérer ? fait-il en se grattant la tête. Ma foi, à part une boussole, je ne vois pas… Vous en avez besoin pour quoi ? »
Vous hésitez d’abord, puis décidez de vous montrer honnête en lui relatant ce que vous avez appris grâce à votre ami Raul, ainsi que vos rêves d’aventures. Au fur et à mesure, le mécanicien décroise les bras, hausse les sourcils, puis sourit franchement ; au moins, celui-ci ne vous prend pas pour quelqu’un de fou ou d’idéaliste.
« D’accord, d’accord », s’exclame-t-il lorsque vous avez terminé de lui raconter ce qui vous anime. « Je vais vous aider. Oh oui, je vais vous aider ! Vous avez besoin d’un instrument de navigation ? Une boussole, vous pensez que ce sera utile ? Restez là. »
Il s’éloigne d’un pas rapide – non sans avoir jeté un œil à l’horloge immense qui occupe tout le pan de mur du quai –, s’engouffre dans un atelier dont vous ne distinguez rien, et revient en courant avec quelque chose à la main.
C’est une boussole. Flambant neuve, en plus, magnifique, d’oneirium argenté et brillant, décorée de bleu et de doré. Il vous la donne en précisant :
« Je ne devrais pas, mais je tiens à vous aider. Vous savez pourquoi ? »
Il montre ensuite l’oniropostale à quai, l’incroyable machine faite de rouages et de courroies fixée sous son ballon de papier blanc, la structure torsadée et joliment ouvragée qui maintient le tout, la nacelle tressée en dessous… Une merveille, ce dirigeable. Vous n’en avez jamais vu d’aussi près, mais il est impossible de ne pas trouver cet engin fascinant.
« J’ai toujours voulu voyager, moi aussi, dit le mécanicien. Je travaille ici pour cela, mais, en réalité, c’est très compliqué de devenir pilote. Il ne suffit pas de manipuler une console ou faire voler ce coucou, mais bien de savoir où l’on va. Il faut connaître nos calendriers, nos heures et nos minutes, les courants qui traversent la Cité et le Désert, il faut maîtriser l’oneirium, aussi… et cela, je ne sais pas le faire. Alors j’aide, à ma petite échelle. Je travaille à la Compagnie depuis très longtemps et j’en suis heureux… mais je n’ai jamais quitté la ville. L’endroit le plus haut où je me suis rendu, c’est ici, sur cette plateforme. »
Il se tourne vers vous ensuite, et vous observe en plissant les yeux, comme pour vous évaluer. Et ce faisant, vous l’évaluez, vous aussi. Et si ?…
Vous lui demandez ce qu’il souhaite en échange de la boussole, sachant très bien ce qu’il va vous répondre.
« Je veux vous accompagner, déclare-t-il. Je veux faire partie de votre équipage si jamais vous parvenez à préparer cette expédition. Que vous ayez un bateau, un dirigeable, peu importe… Je veux venir avec vous. Voilà mon prix. »
Vous acquiescez, car vous savez qu’il vous faudra des hommes et des femmes comme lui. À deux, vous formiez un duo avec Raul, mais à trois… c’est déjà le début d’une équipe.
Le mécanicien vous serre la main pour sceller votre accord, puis il s’empare de son calepin, inscrit son nom, et arrache la page afin de vous la donner.
« Appelez-moi, insiste-t-il. Ne partez pas sans moi. »
Puis il se détourne de vous et se dirige vers son établi, sans doute pour préparer le prochain départ de l’oniropostale. Vous décidez alors de quitter les lieux à votre tour.