Compagnie Oniropostale
Lieu : Plateformes de décollage et d’atterrissage de la Compagnie Oniropostale
Localisation : Grande Place
Il ne faut pas bien longtemps à Raul pour convaincre un pilote de vous embarquer tous les deux. Votre ami est très fort pour parlementer et négocier ; c’est ce qui lui a permis d’ouvrir de nombreuses portes qui n’auraient pas dû s’ouvrir aussi tôt pour lui.
Le pilote, un homme aux courts cheveux noirs portant une redingote et un chapeau melon, vous invite à monter à bord de son oniropostale ; il s’agit de l’appareil n°O. 10-1, à la forme de montgolfière, avec un immense ballon rond en papier blanc. L’on raconte que ce dirigeable s’est écrasé au moment de l’arrêt de la grande Horloge et qu’on n’a jamais retrouvé ses restes, alors le Directeur de la Compagnie l’a reconstruit à l’identique. Vous hésitez sur ce que vous devez en penser : n’est-ce pas là le signe que vous devriez abandonner votre rêve d’expédition, parce que vous croisez la route d’un appareil qui n’aurait jamais dû tomber ? Ou alors, au contraire, ne devriez-vous pas persister, parce que vous avez la preuve que l’on peut tout retaper, tout réparer, tout reconstruire ?
Au moment où l’oniropostale prend son envol, la nacelle oscille un peu et vous vous agrippez au bord ; Raul, lui, est ravi comme un enfant. Il ne peut s’empêcher de sourire d’une oreille à une autre, ce qui fait rire votre pilote. Il faut de longues minutes sablières pour que l’appareil prenne de la hauteur et s’insère dans le Zéphyr, un courant de vent traversant la Cité du nord au sud ; ensuite, enfin, il trouve sa vitesse de croisière, et vous vous autorisez à respirer de nouveau.
La Cité de Minuit s’étend sous vos pieds comme une boîte à bijoux faite de bois noir et de cristal, recelant une multitude de joyaux étincelants, de gemmes bleues, d’or et d’argent précieux. Les rues défilent, la trame des routes et des chemins se révèle à vous sous une autre perceptive. En levant la tête, vous voyez la Lune vous sourire, et vous vous rendez compte qu’elle n’a jamais été aussi proche.
Puis l’oniropostale ralentit et se faufile dans le Sand Stream, le courant du Désert, avant de perdre de l’altitude. À présent, ce sont les dunes noires qui s’offrent à votre regard, une immensité de nuances de gris sous la lueur rassurante des étoiles ; au loin, trois points brillants et bleutés s’allument et s’éteignent par intermittence, le signe que les phares sont en approche.
« Il paraît que vous allez monter une expédition ? », vous interpelle soudain le pilote.
C’est Raul qui se charge de lui répondre, se tournant vers lui :
« Nous espérons, en tout cas. Si nous parvenons à trouver un moyen de transport, ainsi qu’une équipe.
— Plusieurs membres de la Compagnie aimeraient venir avec vous. Le Directeur lui-même souhaiterait vous apporter votre soutien, peut-être en construisant pour vous un véhicule. »
Vous échangez un coup d’œil avec votre ami, qui semble aussi surpris et ravi que vous. Vous intervenez afin de demander si c’est le mécanicien que vous avez rencontré qui a vendu la mèche, ce à quoi le pilote acquiesce.
« Nous sommes nombreux à vouloir découvrir les terres entourant la Cité. Vraiment, si vous parvenez à monter votre expédition, venez parler au Directeur. »
Vous lui promettez de le faire au moment où l’oniropostale amorce sa descente devant les trois phares, sur une bande de sable aplatie qui semble servir de piste d’atterrissage. Puis le véhicule repart dans l’autre sens, tandis que vous vous dirigez vers les trois aiguilles d’oneirium noires montant vers le ciel telles des épines d’une gigantesque branche.
La surface des phares est rugueuse, brute, et sur leur base, si l’on se rapproche assez, on peut découvrir qu’il s’agit en fait de bois pétrifié : le dessin des planches et des veinures y est encore visible, comme des fossiles.
Raul hésite : devant lequel des trois phares se présenter ? Mais vous remarquez tout de suite que seul l’un d’eux, celui du milieu, possède une porte, vers laquelle vous vous dirigez. Vous y frappez trois coups en espérant que quelqu’un vous réponde. Votre ami, lui, resserre les pans de sa tunique autour de lui ; ses cheveux argentés volent dans le vent.
« J’ignorais qu’il faisait aussi froid », déplore-t-il.
Au même moment, vous entendez des bruits de pas pesants de l’autre côté de la porte, ainsi qu’une grosse voix qui vous demande : « Qui va là ? »
Raul répond, sur un ton qu’il espérait sans doute ferme :
« Veuillez nous excuser, nous préparons une expédition et nous souhaiterions en apprendre plus sur les trois phares.
— Allez-vous-en.
— S’il vous plaît, c’est important : nous espérons voyager sur l’Atlas, nous avons grand besoin d’informations. »
Une hésitation de l’autre côté. Puis :
« C’est folie de voyager sur l’Atlas.
— Nous le savons. Nous voulons découvrir ce qui est arrivé à la Danseuse.
— Parce que vous connaissez l’existence de la Danseuse, en plus. Avez-vous réellement compris l’histoire de ce bateau ? Sans cela, vous n’avez aucune chance de revenir de votre voyage. »
À votre tour d’hésiter. Après avoir interrogé Raul du regard – qui vous répond en haussant les épaules –, vous décidez d’insister en assurant que vous avez bien étudié l’histoire d’Agénor, et que vous espérez apprendre de cette tragédie.
« D’accord, d’accord, c’est ce que nous allons voir, cède alors l’homme derrière la porte. Prouvez-moi que vous connaissez l’histoire d’Agénor, donnez-moi le nom du seul survivant de cette expédition *, et ensuite nous aviserons. »
* (en caractères minuscules)